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Chercher pour mieux détecter les cancers

Chercher pour mieux détecter les cancers, c’est d’abord tenter d’identifier de nouveaux moyens de détection des tumeurs à un stade précoce ; c’est ensuite évaluer l’intérêt de mettre ces moyens à disposition du plus grand nombre.

Si le dépistage ne concerne aujourd’hui qu’un nombre limité de types de cancer, la montée en puissance de la génomique et de la protéomique ainsi que l’irruption d’outils innovants en imagerie (scanner, IRM, etc.) font surgir une foule inédite de nouveaux tests « candidats » à la détection précoce des cancers.

Mais, de leur découverte à leur mise en œuvre dans des programmes de dépistage, le chemin sera long. Il n’est d’ailleurs pas encore totalement balisé puisque, par exemple, les procédures réglementaires permettant d’autoriser la mise sur le marché de ces nouveaux tests de dépistage restent à préciser.

Pour schématiser, l’élaboration d’un test de dépistage se déroule en trois grandes étapes : sa découverte, son développement et son évaluation.

La découverte d’un nouveau test

Le développement d’un test

L’évaluation d’un dépistage

Des réglementations à préciser

La découverte d’un nouveau test

La découverte est le processus par lequel on identifie des « candidats » au statut de test de dépistage : des gènes, des protéines, des antigènes, des examens d’imagerie… Pour simplifier, on ne s’intéressera ici qu’aux marqueurs biologiques de nature moléculaire, mais la description des différentes phases d’élaboration n’est pas différente pour les nouveaux dispositifs d’imagerie issus des laboratoires de recherche.

Dans ce domaine, la plupart des études de biologie moléculaire menées jusqu’à présent sont des études de génomique : elles évaluent l’expression de milliers de gènes dans des tumeurs et des tissus sains et, par comparaison, identifient des gènes modifiés candidats à la détection précoce. Les nouvelles techniques dites de protéomique permettront de rechercher les biomarqueurs candidats directement dans les fluides du corps humain (sang, urine, salive), ce qui facilitera grandement leur application clinique.

Parce qu’elles manipulent des milliers de données, ces études dites de phase 1 requièrent notamment la mise en œuvre de méthodes statistiques sophistiquées pour éviter les « faux candidats » qu’il serait coûteux de soumettre aux phases suivantes.

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Le développement d’un test

Quelle que soit la complexité des dispositifs mis en œuvre pendant la phase 1, les études de phase 2 visent à développer des tests cliniques permettant de mesurer des biomarqueurs au sein d’échantillons recueillis simplement, que ce soit dans le sang, l’urine, les selles ou la salive.

Il s’agit d’abord de vérifier que ces tests fournissent des résultats reproductibles, à l’intérieur d’un laboratoire et d’un laboratoire à l’autre, de confirmer la corrélation entre leurs résultats et ceux des études de phase 1 et, enfin, d’évaluer leur capacité à distinguer des patients atteints d’un certain cancer de personnes « témoins », en bonne santé.

Cependant, si cette capacité à faire la différence entre personnes malades et individus sains est nécessaire, elle n’est nullement suffisante : un test de dépistage doit surtout démontrer qu’il est capable de détecter la maladie avant qu’elle ne soit apparente d’un point de vue clinique, c’est-à-dire avant la manifestation de symptômes.

Les études de phase 3 se concentrent ainsi sur la mesure des biomarqueurs préalables au diagnostic. Pour y parvenir, elles doivent s’appuyer sur des banques d’échantillons, en général du sérum sanguin. Prélevés en routine sur des personnes qui font l’objet d’un suivi régulier, ces échantillons sont associés à des données médicales. Les chercheurs peuvent ainsi comparer des échantillons biologiques qui ont été recueillis chez des individus avant le diagnostic de leur cancer avec les échantillons d’individus de même âge et indemnes de la maladie.

Les études de phase 3 sont cruciales parce qu’elles ouvrent une fenêtre sur l’histoire naturelle de la maladie de la maladie (son déroulement en l’absence d’une quelconque intervention) et l’évolution du biomarqueur étudié. La connaissance de profils d’évolution d’un biomarqueur peut notamment se révéler utile pour développer des protocoles de tests qui, parce qu’ils seraient répétés à intervalles réguliers, seraient plus sensibles et plus spécifiques qu’une mesure unique du biomarqueur. Ce type de protocoles est par exemple à l’étude pour la détection du cancer de la prostate à l’aide d’un biomarqueur identifié depuis longtemps, l’antigène spécifique de la prostate (PSA) : sa vitesse annuelle d’évolution pourrait être un moyen de détection plus efficace que son niveau absolu.

A la sortie des études de phase 3, les chercheurs savent si un biomarqueur est capable de détecter un cancer avant son diagnostic clinique. Ils ont évalué ce qu’on appelle la sensibilité d’un test, c’est-à-dire le pourcentage de test positif chez les malades. Ils ont une estimation du temps qui sépare la possibilité de détection du diagnostic. Mais ils ignorent le stade précis de la maladie lors de la détection. Or cette question est importante, car un test ne permettant d’identifier que des cancers à un stade de dissémination dans l’organisme perd beaucoup de son intérêt.

Pour répondre à cette question, il est nécessaire idéalement de passer par des études de phase 4, qualifiées de prospectives : on constitue une population suffisamment importante, dépourvue de symptômes, on la soumet au test à l’étude et on procède à un suivi rigoureux des individus pour lesquels le résultat du test est positif. Ces études fournissent deux informations : elles permettent d’estimer le pourcentage de la population qui répond positivement au test et, surtout, de déterminer, à la fin de l’étude, le nombre de « faux positifs », c’est-à-dire le nombre de personnes non malades pour lesquelles le test s’est révélé positif (ce qui permet de calculer la spécificité du test). On peut ainsi procéder à des estimations préliminaires des coûts qu’engendrerait un dépistage fondé sur ce test.

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L’évaluation d’un dépistage

A la sortie des études de phases 3 et 4, les chercheurs disposent d’un test d’usage relativement simple, et ils ont une bonne idée de ses performances (sensibilité, spécificité). Mais il leur reste à apporter une preuve essentielle : son usage en population améliorera-t-il de façon significative le pronostic de la maladie ? C’est l’objectif des études de phase 5 qui, en outre, doivent évaluer, à l’aide de travaux en modélisation, le rapport coût/efficacité du test s’il est envisagé de l’utiliser pour dépister une vaste population.

Toute intervention de détection précoce est délicate à évaluer car, par sa nature même, elle influence le diagnostic normal de la maladie.

Premièrement, une détection précoce avance de fait le moment du diagnostic. Elle a pour effet mécanique d’augmenter l’indicateur dit de survie, calculé à un temps donné (5 ans, 10 ans…) après le diagnostic. Evaluer une intervention précoce nécessite de faire la preuve d’un réel impact sur la mortalité, ce qui oblige à mener des essais avec un suivi à long terme.

Deuxièmement, une détection précoce identifie certains cas de cancer, mais comment être sûr que ce sont les plus pertinents ? Il est possible que le test étudié identifie nombre de tumeurs qui ne se développeront pas davantage, voire régresseront spontanément. Dans l’histoire récente, ce phénomène a par exemple été mis en évidence pour le dépistage du neuroblastome, un cancer du système nerveux, chez l’enfant. Il est aussi au centre de la controverse sur le dépistage du cancer de la prostate à l’aide du PSA. C’est ce qu’on appelle le surdiagnostic.

Pour prouver l’efficacité d’un test de dépistage, il est indispensable de mener ces essais de phase 5, des essais contrôlés randomisés qui, seuls, permettent d’estimer directement l’ampleur de la baisse de mortalité due à un dépistage, les effets du surdiagnostic et les coûts engendrés.

En raison des investissements qu’ils impliquent, de tels essais ne peuvent concerner qu’un petit nombre de stratégies d’intervention. Ils demeurent néanmoins essentiels pour établir la valeur d’une quelconque technique de détection précoce. Et, du point de vue de la société, le coût de tels essais reste négligeable par rapport aux coûts que représente la mise en œuvre d’un dépistage organisé.

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Des réglementations à préciser

Cette description de l’enchaînement des phases 1 à 5 a des vertus pédagogiques mais, dans la vie réelle, la situation est plus complexe. La quête de la connaissance n'est pas la seule dynamique à l'œuvre. Des intérêts médicaux, économiques ou industriels façonnent également la réalité.

Pour le dépistage du cancer de la prostate par exemple, les urologues, les médecins généralistes et leurs patients n’ont pas attendu les résultats des essais randomisés pour adopter le test du PSA. Ses promesses affichées ont incité à sa large prescription, au risque de déclencher des controverses sur son intérêt prédictif et sur le possible surdiagnostic qu’il entraîne.

Suite à la découverte de gènes de susceptibilité à divers cancers, certaines sociétés n’ont pas davantage attendu qu’on démontre l’intérêt réel de tests génétiques pour les mettre sur le marché. Elles profitent pour l’instant d’un vide juridique, mais des réflexions sont en cours, en Europe et aux Etats-Unis notamment, pour mieux encadrer ces innovations et protéger les individus des risques qu’elles engendrent.

Quoi qu’il en soit, dans ce paysage en évolution rapide, la tendance est à la multiplication de tests de détection précoce du cancer. A terme, on peut même envisager qu’une combinaison de tests pour plusieurs cancers, réalisés en même temps, puisse avoir un impact déterminant sur la mortalité par cancer. Cet objectif de santé publique ne sera pleinement atteint qu’à l’aide d’études rigoureuses qui n’auront pas négligé d’évaluer les effets du surdiagnostic.

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